Fabrice Etienne, engagé pour la Nature et l’Homme

Fabrice Etienne, qui répond aujourd’hui à nos questions, est technicien petite faune à la Fédération Départementale des Chasseurs d’Ardèche. Il œuvre pour la protection de l’environnement et participe à la structuration d’un réseau d’acteurs dynamique dans le département. La commune de Bourg-Saint-Andéol dont ses sites de Darbousset, Goumard et Combe de Chalon viennent d’obtenir le label Territoires de faune sauvage, est mise à l’honneur par le travail collectif des employés et bénévoles locaux.

En quoi consiste le projet sur ce nouveau territoire labélisé ?

A la base, c’est la Fédération des chasseurs (FDC) et l’Association Communale de Chasse (ACCA) de Bourg-Saint-Andéol qui ont lancé le projet à la suite d’un audit. La FDC est en effet une association agréée au titre de la protection de l’environnement, c’est donc de notre devoir d’agir pour le maintien de la biodiversité. En 2007, il y a eu un bilan des actions conduites sur les 20 dernières années, qui a illustré un échec sur la petite faune. Ils se sont alors lancés le défi de tout restructurer et de mettre en application les préconisations favorables à la petite faune sur des sites, loin des contraintes humaines, le territoire n’était pas forcément favorable. Il a fallu ouvrir le milieu et le mettre en culture, avec l’accord de la mairie en qualité de propriétaire des terrains. Puis les acteurs se sont greffés un à un, comme la RTE, Réseau de Transport d’Electricité français, en raison de la ligne électrique qui traverse le territoire, puis le département, la région, des établissements scolaires qui préparent aux métiers de l’environnement…

Comment avez-vous fait pour mobiliser des partenaires autour de votre idée ? 

Le projet ne s’est pas créé initialement avec les partenaires, mais ils ont souhaité se greffer car les actions menées leur plaisaient. C’est parti de l’ACCA et de la FDC jusqu’à atteindre plus de 10 partenaires, un réseau s’est alors créé autour de ce projet. Il y a eu le Syndicat de gestion des Gorges de l’Ardèche, le Conservatoire d’Espaces Naturels, le Conservatoires Botaniques Nationaux, l’Office François de la Biodiversité… Je tiens à préciser, que la plupart de ces structures n’ont pas de liens directs avec la chasse.

Quelles sont les actions menées sur le terrain ?

Au total sur Bourg-Saint-Andéol, 20 ha sont restaurés et 2 à 3 ha de cultures pour la faune sauvage sont implantées. Le 1er objectif a été l’ouverture de pelouses sèches (formation végétale constituée de plantes herbacées qui forment un tapis peu épais et peu élevé), et d’intégrer une gestion pastorale (valorisation des ressources fourragères spontanées des espaces naturels, pour assurer l’alimentation des animaux). 

La création de points d’eau est aussi un point important. Des personnes disent que l’eau n’était pas présente avant dans les garrigues (formation végétale caractéristique des régions méditerranéennes), alors que si. Lorsqu’autrefois les éleveurs étaient omniprésents, ils créaient des trous d’eaux pour les bêtes. On a la volonté de recréer cette synergie.

Il y a également la restauration du petit patrimoine bâti de plusieurs siècles. Ils sont très importants pour la biodiversité : de nombreux petits insectes les fréquentent.

Les actions de suivi nous permettent aussi de mesurer la pertinence de nos actions : comptages nocturnes pour les lièvres et lapins, comptages par indice magnétophone pour les perdrix rouges, inventaires de passereaux, suivi sur la faune qui fréquente nos points d’eau, inventaires botaniques… Il y a aussi eu la réalisation de la thèse de Nicolas Froustey qui répond à nos besoins de connaissance et confirme la pertinence de nos interventions. Elle a été menée sur 3 sites, dont 2 labellisés Territoires de faune sauvage. 

Il y a des réalisations similaires sur d’autres territoires du département.

Quelles conditions les chasseurs mettent ils à la gestion pastorale ?

Les chasseurs sont allés à la rencontre d’un éleveur afin de travailler selon leurs conditions, et non pas selon les conditions imposées par la production agricole. Ils sont allés chercher un savoir-faire : la gestion d’un troupeau ayant des objectifs environnementaux, en plus des objectifs de production.

L’enjeu est de minimiser les impacts du pâturage sur l’environnement, en mettant en place un pâturage hivernal pour éviter les impacts sur les fleurs, mais aussi avec un pâturage ciblant l’entretien des pelouses sèches et la gestion des ligneux (plante dont le principal matériau est le bois) pour limiter leur développement, qui concurrence les zones herbeuses. C’est pour cela que le troupeau est mixte, il y a des chèvres et des brebis. C’est vrai qu’il y a des contraintes pour les éleveurs : éviter le pâturage durant la floraison et éviter de pâturer aux mêmes endroits sur les mêmes périodes d’une année sur l’autre. C’est parfois compliqué de concilier les activités de loisir de pleine nature, le pastoralisme et la chasse. Ça demande de la préparation et beaucoup d’animation. Des réunions entre les différents acteurs, chasseurs et éleveurs, sont alors aussi faites.

Comment conciliez sur le terrain les activités cynégétiques, pastorales et récréatives ?

La chasse et l’élevage sont en périodes hivernales, donc il n’y a pas de conflit avec le tourisme, même s’il y a beaucoup de fréquentation par les locaux. Un accord a été mis en place avec la mairie pour réorganiser la chasse en battue et réduire le nombre de 6 à 3 jours. Ensuite, pour l’intégration du pastoralisme, la presse informe des comportements à tenir en présence du troupeau, des chiens de protection et de leurs localisations. Il y a également des panneaux sur le site pâturé. Nous organisons la fête de la transhumance, qui permet de communiquer et de sensibiliser à ce sujet. Durant 1 journée, le troupeau reste ainsi sur la place centrale de Bourg-Saint-Andéol. Cette année, il y a eu 1 200 personnes dont 700 élèves. On insiste beaucoup sur la sensibilisation par les enfants. Je ne vais pas vous dire que tout est parfait, il y a des gens qui rouspètent, mais globalement on a beaucoup de retours positifs.

En Ardèche, il y a 6 autres troupeaux gérés de façon similaire par les chasseurs et répartis sur 9 autres communes. Il y a ainsi plus de 1 000 ha pâturés selon nos exigences environnementales. L’ouverture de milieux en garrigue avec gestion pastorale, c’est maintenant une technique que les chasseurs ardéchois maîtrisent.

Vous avez parlé d’animation du réseau, vous êtes le seul salarié sur le projet ?

Oui je suis seul, mais je suis énormément aidé par les bénévoles. Sans les relais locaux, les chasseurs locaux, ça ne marcherait pas. Les travaux sont menés par ces acteurs locaux, mon rôle est de structurer et coordonner les actions.

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